Le paysage comme métaphore de soi ou comment suer le paysage pour le ressentir

Anonim

J'assiste hypnotisé depuis mon canapé –à voir sur Netflix– aux paysages spectaculaires du film acclamé puissance de chien (2021), favori des Oscars en mars prochain. Dirigé par le Nouvelle-Zélande Jane Campion, Tire dedans Nouvelle Zélande mais installé dans Montagne. En elle la nature sauvage du paysage est encore un autre caractère. Un alter ego de l'un des principaux protagonistes : le cow-boy frustré Phil et son univers énigmatique, qui vous retient Accroché de la première minute à la dernière.

Je me souviens de paysages qui dans ma vie sont devenus des métaphores de ce que je ressentais... Les liens forts que l'on établit avec un certain paysage sont une expérience qui ne s'oublie pas. Flottant sur le net, je trouve des termes tels que «paysages confiants» que j'extrait des thèses d'une des géographies culturelles les plus prolifiques de notre pays, la médecin et professeur à l'Université Carlos III, Paloma Puente Lozano, qui a longuement écrit sur le sujet. Alors nous lui avons parlé.

Mais aussi, ces jours-ci, je m'apprête à participer à l'une des courses mythiques pour coureurs pieds nus de toute l'Espagne, IX Croix Bataille de Munda, qui parcourt 19 km à travers la campagne cordouane, entre vignes et oliveraies, en montant et en descendant de petites collines, à travers des sentiers, tout en transpirant et en sublimant un de ces paysages confiants qui pour moi est révélateur, avec le grand rocher mythique de Piedra Luenga en arrière-plan, comme un belvédère sur la campagne. Mais comment et pourquoi un lieu finit-il par devenir un paysage comme une métaphore, un miroir de nous-mêmes avec une telle force ?

Delcalcistes à la IX Cross Battle de Munda.

Coureur pieds nus à la IX bataille de Munda.

DES ROMANTIQUES AUX RÉSEAUX SOCIAUX

« Toutes ces idées ont été étudiées par les géographes depuis le XIXe siècle », m'explique Paloma au téléphone. "La notion de paysage et ses nombreuses couches vont de l'idée de pierres et d'autres problèmes physiques à des problèmes beaucoup plus intangibles.

« Si avant nous, géographes, nous parlions de roches, de plus en plus nous incluons des sujets à caractère culturel au point d'affirmer que les paysages sont une expérience ». Et nous y sommes, à un point où « Les réseaux sociaux ont démocratisé la notion de paysage » jusqu'à ce qu'il devienne un produit emballé sous vide, qui les géographes appellent « marchandisation » du paysage : arriver pour regarder et prendre la photo.

Le concept pur et simple de paysage a été inventé par les romantiques. "Ce moi d'émotions, de sublimer contre un paysage il date d'il y a "seulement" deux siècles. Tout ce dont on parle de paysage dans les réseaux sociaux – au cinéma, dans la littérature, dans les magazines de voyage… – c'est la démocratisation du rêve romantique. Le paysage de la photo, cette photo que vous téléchargez sur vos réseaux, est ce que seuls les nobles, les classes aisées, avaient l'habitude de faire. Mais que "j'étais ici et j'ai eu cette émotion en ce lieu" a "fait in" au XIXe siècle.

Marcher le long de la mer

Il était la Méditerranée… Il était Sorolla.

SWEAT POUR AIMER… LE PAYSAGE

Des paysages terrifiants ont été peints avec de minuscules êtres humains devant d'immenses Alpes. Ou il y a aussi des peintres comme Sorolla, le Maître de la Lumière –dont on célèbre d'ailleurs l'anniversaire en 2023–, et qui à travers la lumière de la Méditerranée a parlé de la plénitude de ses jours, de lui-même.

Mais s'il y a quelqu'un qui exprime clairement comment ce lien fort avec le paysage se réalise comme une métaphore, c'est l'écrivain de Le petit Prince, A. de Saint-Exupéry, passionné de paysage : « Il n'y a pas de paysage découvert du haut des montagnes si personne n'a gravi la pente, car ce paysage n'est pas spectacle, mais domination. Et si vous avez été porté au sommet de la littérature, vous ne voyez que l'ordonnancement de choses plus ou moins fades, mais comment les épaississez-vous de votre substance ?

En d'autres termes, pour aimer le paysage, il faut le transpirer. "L'écrivain français était tout à fait dans cette lignée", dit Paloma. « Nous, géographes, avons commencé à interroger les émotions du paysage qui étaient très présentes, par exemple, dans les citations de Saint-Exupéry. En réalité avant le paysage n'était pas là, c'était juste une montagne. Mais savez-vous quand cela apparaît ? Quand tu marches sur cette montagne », précise le géographe.

Un coucher de soleil à ne pas oublier.

Un coucher de soleil à ne pas oublier.

Et c'est exactement comme je le vis dans mes jambes ces jours-ci plus tard sur la féroce route piétonne de 20 km entre vignes et oliveraies de la bataille croisée de Munda. Rien de tel que parcourir ce parcours –et encore plus faire le parcours en compétition et en mode « coureur pieds nus »– pour portez ce paysage stocké dans votre cœur. Pour toujours.

« Le paysage émerge dans l'effort de ceux qui parcourent ses chemins, pentes, plaines ou pentes. C'est la construction de la fatigue, de la disposition musculaire, une écorce amère qu'il faut surmonter pour atteindre son fruit et sa racine », a dit poétiquement Paloma au téléphone. Or, pendant ces heures de marche, ce sont des vers d'Antonio Machado qui résonnaient tout le temps dans ma tête : « Je sais que tu es roche par roche et branche par branche ; / Je connais l'odeur aigrelette de ton romarin / J'ai vu la fleur jaune de ton genêt ; la lavande pourpre, les jarales printanières blanches ; de nombreux soleils mettent le feu à tes berrocals nus, résonnent dans tes masses massives ».

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